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La responsabilité de l’État du fait d’une loi inconstitutionnelle

Un peu plus de 10 ans après la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 et la jurisprudence Gardedieu (Conseil d’Etat, Assemblée, 8 février 2007, Gardedieu, n°279522, responsabilité de l’Etat du fait de l’obligation de respecter les engagements internationaux), le Conseil d’Etat complète sa jurisprudence sur la responsabilité de l’Etat en reconnaissant le principe de l’engagement de la responsabilité de l’Etat du fait d’une loi inconstitutionnelle.

Le Conseil d’Etat fait évoluer sa jurisprudence en reconnaissant la responsabilité de l’Etat du fait d’une loi inconstitutionnelle (I) sous certaines conditions (II).

I/ La suite de la jurisprudence de la responsabilité de l’Etat du fait des lois.

Depuis 1938, la responsabilité de l’Etat pouvait être engagée du fait des lois en cas de rupture de l’égalité devant les charges publiques (Conseil d’Etat, 14 janvier 1938, Société des Produits Laitiers La Fleurette).

Ensuite, le Conseil d’Etat avait reconnu la responsabilité de l’Etat du fait du non-respect de ses engagements internationaux (Conseil d’Etat, Gardedieu, 8 février 2007).
La responsabilité de l’Etat du fait des lois pouvait également être engagée en méconnaissance des principes généraux du droit de l’Union Européenne (Conseil d’Etat, 23 juillet 2014, Société d’éditions et de protection route, n°354365).

Enfin dans cet arrêt de 2019, le Conseil d’Etat reconnaît la responsabilité de l’Etat du fait de l’inconstitutionnalité de la loi. Cette évolution de la jurisprudence montre bien que la responsabilité "sans faute" de l’Etat a subi une évolution majeure depuis dix ans.

Cette évolution est liée à la réforme constitutionnelle de 2008, qui a permis au Conseil constitutionnel par la question prioritaire de constitutionnalité, en passant par un premier contrôle de la Cour de cassation ou du Conseil d’Etat, d’abroger une loi considérée comme inconstitutionnelle.

A la suite de ce changement, le Conseil d’Etat juge que la responsabilité de l’Etat peut être engagée du fait de l’application de la loi inconstitutionnelle. Le Conseil d’Etat considère ainsi que les dommages subis par une personne en raison d’une loi appliquée et déclarée inconstitutionnelle peuvent être réparés, si le requérant saisit le juge administratif pour en obtenir réparation.

II/ Une responsabilité engagée sous certaines conditions.

Le Conseil d’Etat encadre cette responsabilité du fait de l’Etat en raison de l’application d’une loi inconstitutionnelle par plusieurs conditions à respecter.

En effet, la responsabilité de l’Etat ne peut être engagée que si les effets de l’inconstitutionnalité de la loi ne sont pas réduits dans le temps par le Conseil constitutionnel notamment concernant ses effets d’indemnisation.

De plus, les dommages subis doivent trouver leur effet direct dans l’application de la loi inconstitutionnelle. Cette condition permet de préciser, bien entendu, que ce n’est pas l’entrée en vigueur de la loi, c’est à dire sa publication au Journal officiel, qui permet d’engager la responsabilité de l’Etat mais bien son application. Cette condition est cohérente car c’est bien l’application de la loi qui peut engendrer des dommages.

Enfin le Conseil d’Etat met en place une prescription quadriennale pour encadrer les recours engageant la responsabilité de l’Etat en raison de lois inconstitutionnelles. Ainsi la requête ne pourra être effectuée que dans les quatre ans suivants la date à laquelle les dommages subis ont été connus dans toute leur étendue.

En l’espèce, le Conseil d’Etat n’a pas reconnu la responsabilité de l’Etat. L’engagement de la responsabilité de l’Etat portait sur des dispositions législatives relative à la participation des salariés aux résultats de l’entreprise déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel en 2013.

Le Conseil d’Etat estime qu’il n’existe pas de liens entre l’inconstitutionnalité des dispositions législatives et le préjudice subi par les requérants. Le Conseil d’Etat rejette donc leur demande d’indemnisation.

Le Conseil d’Etat se fonde donc sur le lien de causalité entre le dommage des requérants et l’inconstitutionnalité des dispositions législatives.

Toutefois, malgré un cas d’espèce rejeté, cette jurisprudence nous permet de constater une application directe de la deuxième condition de l’engagement de la responsabilité de l’Etat du fait d’une loi inconstitutionnelle. Cette deuxième condition porte sur le fait que les dommages subis doivent trouver leur effet direct dans l’application de la loi inconstitutionnelle.

Un parallèle peut être établi avec la jurisprudence Gardedieu (Conseil d’Etat, 2007) et les jurisprudences antérieures, où les conditions d’engagement de la responsabilité de l’Etat étaient restrictives, en raison du caractère grave et spécial du préjudice.

Le Conseil d’Etat reste donc dans la continuité de sa jurisprudence quant à l’évolution de l’engagement de la responsabilité de l’Etat du fait des lois et quant à la mise en place de conditions restrictives pour engager cette responsabilité.

Conseil d’Etat, 24 décembre 2019, requête n°425981 ;
Conseil d’Etat, 24 décembre 2019, requête n° 425983 ;
Conseil d’Etat, 24 décembre 2019, requête n° 428162.

Thomas Portelli

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