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La loi du 6 août 2019 sur la transformation de la fonction publique

Un an après l’entrée en vigueur de la loi du 6 août 2019 dite de « transformation » de la fonction publique et des nombreux décrets d’application, une première évaluation est possible.

A la différence des lois précédente quis faisaient généralement suite à des rapports (rapport Silicani de 2008, Pêcheur de 2013) qui avaient nourri la réflexion gouvernementale même s’il n’en avait pas été tenu vraiment compte, la nouvelle loi est constitué par une série d’amendements aux textes en vigueur, complétée par des ordonnances et un impressionnant dispositif règlementaire d’une quarantaine de décrets en Conseil d’Etat.

Celui-ci apporte des nouveautés sur un certain nombre de sujets mais il ne « transforme » pas le droit en vigueur sur la fonction publique. Techniquement, la loi du 6 août n’est pas une « nouvelle » loi, mais une série d’amendements à la législation relative à la fonction publique. Celle-ci a pour base les lois de 1983 (relative aux droits et obligations des fonctionnaires) et de 1984 (relatives aux dispositions statutaires des trois fonctions publiques), dernières grandes lois qui ont refondu le statut des fonctionnaires après le premier statut de 1946, et qui ont fait l’objet de modifications incessantes depuis 20 ans.

La loi du 6 août 2019 fait partie de cette série de lois qui modifient le droit existant sans le bouleverser mais qui le modifient toujours dans le même sens, celui d’une adaptation de la fonction publique française à un système libéral, qui innerve sans le remplacer le modèle étatiste français.

La vraie question est donc de savoir si, à force de retouches au modèle traditionnel, le système administratif a basculé, à l’occasion de cette ultime révision, sur le versant libéral (1). Pour le reste, la loi apporte un certain nombre de nouveautés, qui concernent surtout les droits des fonctionnaires en s’adaptant aux évolutions de la société et du personnel (formation, conditions de travail, égalité) et prolongent les textes antérieurs sans les bouleverser (2).

1/ Une nouvelle retouche au statut

  • La loi du 6 août 2019 marque une nouvelle progression du contractualisme par rapport au statut en étendant les possibilités déjà ouvertes par les lois antérieures de recourir au contrat pour recruter sur des emplois permanents, y compris des emplois de direction.
    Cette évolution concerne d’une part l’égalité entre contractuels et statutaires en matière de recrutement, d’autre part l’ouverture des emplois fonctionnels aux contractuels.

    Pour ce qui est de l’égalité en matière de recrutement d’emplois permanents, la loi a fixé plusieurs limites : tout d’abord les emplois à pourvoir devront faire l’objet d’une publication ; d’autre part aucun emploi permanent ne pourra être réservé à un contractuel mais sera seulement susceptible d’être pourvu par un contractuel. Ces deux règles étaient déjà consacrées par la pratique au niveau local.

    Quant à l’ouverture des emplois fonctionnels aux contractuels, le législateur a repris la distinction entre fonctions publiques d’Etat et hospitalière, où cette possibilité est déjà ouverte, et fonction publique territoriale où elle était jusqu’à présent limitée aux très grandes collectivités (départements et régions, et communes et EPCI de plus de 80 000 habitants). Désormais le seuil est abaissé à 40 000 habitants, ce qui portera le nombre d’emplois fonctionnels ouverts aux contractuels à 2700 (1500 auparavant). Afin d’éviter de voir le pouvoir des exécutifs locaux rogné au profit de la haute administration locale, le Parlement a refusé la possibilité de transformer le CDD en CDI tout comme la possibilité de renvoyer à un décret en Conseil d’Etat la définition des attributions du DGS, dans les deux cas au nom du principe de libre-administration des collectivités territoriales.

    Le recours aux contractuels est également facilité sans distinction de catégories dans les communes de moins de 1000 habitants et dans les EPCI de moins de 15 000 habitants. Tous les emplois y sont à présent ouverts au contrat.

    Le développement du recours au contrat se retrouve enfin dans l’extension du contrat de projet, créé par la loi du 25 juin 2008. Ce CDD dont l’échéance est « la réalisation du projet ou de l’opération » pourra varier de un an minimum à six ans maximum

    L’extension du contractualisme ne doit cependant pas être surévaluée : le juge administratif tend à rapprocher le régime juridique des agents contractuels de droit public et celui des agents statutaires et rapprochant leurs droits et leurs devoirs.
  • Parallèlement à l’extension du recours au contrat, le régime statutaire est fragilisé par l’introduction, à titre expérimental pour cinq ans, de la rupture conventionnelle. Celle-ci existait déjà pour les emplois contractuels. Elle sera étendue aux emplois statutaires.

    La rupture conventionnelle repose sur l’accord des deux parties (employeur et agent) et donne lieu à une indemnité. L’agent perd la qualité de fonctionnaire et est radié des cadres. En cas de recrutement en tant qu’agent public dans les six ans qui suivent, l’agent sera tenu de rembourser l’indemnité perçue. Dans la pratique, cette procédure est souvent longue et aléatoire et il sera difficile de l’utiliser de manière systématique.

2/ Une extension des droits et obligations

  • La simplification des instances représentatives est une des nouveautés de la loi même si le changement du cadre ne signifie pas un changement du contenu.
    Le comité social territorial (issu de la fusion du comité technique et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) a été créé dans chaque collectivité ou établissement employant au moins cinquante agents ainsi qu’auprès de chaque centre de gestion pour les collectivités et établissements affiliés employant moins de cinquante agents.  Cela explique que les attributions du CST soient étendues : l’organisation, le fonctionnement des services et l’évolutions des administrations ; l’accessibilité des services et la qualité des services rendus ; les orientations stratégiques sur les politiques de ressources humaines ; les lignes directrices de gestion en matière de promotion et valorisation des parcours professionnels (la mise en œuvre de ces dernières fait l’objet d’un bilan, sur la base des décisions individuelles, devant le comité social) ; les enjeux et les politiques d’égalité professionnelle et de lutte contre les discriminations ; les orientations stratégiques en matière de politique indemnitaire et d’action sociale ainsi que les aides à la protection sociale complémentaire ; la protection de la santé physique et mentale, l’hygiène, la sécurité des agents dans leur travail, l’organisation du travail, le télétravail, la régulation de l’utilisation des outils numériques, l’amélioration des conditions de travail.

    Dans les collectivités territoriales et les établissements publics employant deux cents agents au moins, une formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail est instituée au sein du comité social territorial  et reprendra les missions du CHSCT. Cette formation est créée dans chaque service départemental d’incendie et de secours par décision de l’organe délibérant, sans condition d’effectifs.
    Chaque année, les collectivités élaborent un Rapport social unique qui sert de base à la gestion des ressources humaines et qui est examiné par le CST. Ce Rapport pourrait, s’il est élaboré avec sérieux, transformer le climat social dans les collectivités.
  • Des dispositions viennent encadrer le droit de grève dans la fonction publique territoriale pour empêcher les grèves perlées. Ainsi, l’autorité territoriale et les organisations syndicales peuvent engager des négociations en vue de la signature d’un accord visant à assurer la continuité des services publics en matière de collecte et de traitement des déchets, de transport public de personnes, d’aide aux personnes âgées et handicapées, d’accueil des enfants de moins de trois ans et d’accueil périscolaire, de restauration collective et scolaire. Le Conseil constitutionnel, saisi sur ce sujet, a considéré que ces « aménagements apportés aux conditions d ’exercice du droit de grève » ne sont pas disproportionnés par rapport aux objectifs poursuivis par le législateur (continuité du service public, respect de l’ordre public, et notamment de la salubrité publique). Il sera intéressant de savoir à l’usage quelle sera l’effectivité de ces dispositions.
    Quant aux questions relatives à l’égalité professionnelle et à la prévention des discriminations, elles font entre autres, l’objet d’un plan d’action pluriannuel dans les établissements publics administratifs, les collectivités territoriales et les EPCI.
  • L’uniformisation du temps de travail est renforcée par la suppression des régimes dérogatoires à la durée légale du travail (1607 heures par an) en vigueur dans certaines collectivités territoriales. Les régimes de travail spécifiques (travail de nuit, travail pénible ou dangereux, etc.) ne sont pas concernés.
  • Le droit à la formation, réorienté notamment vers l’aide à la mobilité et là la transition professionnelle, fera l’objet d’ordonnances qui entreront en vigueur en 2021 tout comme les dispositions relatives à la santé.
  • La progression de l’égalité : La loi (article 80) impose aux collectivités et établissements publics de mettre en place un dispositif de signalement qui a pour objet de recueillir les signalements des agents qui s’estiment victimes d’un acte de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel ou d’agissements sexistes et de les orienter vers les autorités compétentes. Ce dispositif permet également de recueillir les signalements de témoins de tels agissements. Afin d’assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale de plus de 20 000 habitants élaboreront et mettront en œuvre un plan d’action pluriannuel dont la durée ne peut excéder trois ans renouvelables. Le plan d’action comportera au moins des mesures relatives aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, à l’égal accès des femmes et des hommes aux corps, cadres d’emplois, grades et emplois de la fonction publique, à favoriser l’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle, et à prévenir et traiter les discriminations.

En fin de compte, si on y ajoute les dispositions relatives aux organes centraux de concertation, de formation (CNFPT) et de gestion des personnels (CDG), la loi constitue un patchwork inégal de mesures qui ancrent un peu plus le navire administratif dans le contractualisme, maintiennent, au niveau local, l’équilibre entre élus et agents publics, et tirent les conséquences de l’évolution de la société sur la vie interne de l’administration.

Hugues PORTELLI

 

 

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