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Le droit des édifices culturels

L’entretien et l’usage des édifices  cultuels construits avant et après 1905

Au lendemain des élections municipales de 2020, qui ont renouvelé les municipalités de nombreuses communes, mais surtout de l’état d’urgence sanitaire qui a bouleversé l’exercice de la liberté du culte, il est utile de rappeler les règles qui régissent l’entretien et l’usage des édifices cultuels. Il s’agira ici essentiellement des lieux de culte catholiques qui constituent encore de nos jours la très grande majorité des lieux de culte en France. Une prochaine note traitera des spécificités des autres religions.

En vertu de l’article 13 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat, « [les] édifices servant à l’exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant, seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations cultuelles appelées à les remplacer (…) ». Le même article indique en outre que « [les] établissements publics du culte, puis les associations bénéficiaires, seront tenus des réparations de toute nature, ainsi que des frais d’assurance et autres charges afférentes aux édifices et aux meubles les garnissant. / L’Etat, les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pourront engager les dépenses nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi ».

1/ L’usage des édifices du culte

L’Eglise catholique ayant fait savoir, en 1906, qu’elle ne constituerait pas d’association cultuelle, l’article 5 de la loi du 2 janvier 1907 a complété les dispositions précitées en indiquant que, à défaut d’associations cultuelles, les édifices servant à l’exercice public du culte « continueront à être laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion ».

  • Un droit de jouissance exclusive, libre et gratuite

Ces dispositions garantissent, au profit des fidèles et des ministres du culte, « un droit de jouissance exclusive, libre et gratuite » des édifices cultuels qui appartiennent à des collectivités publiques, et notamment des églises qui sont la propriété des communes. Cette jurisprudence constante a été récemment réaffirmée par une décision d’Assemblée, rendue par le Conseil d’Etat le 19 juillet 2011, Commune de Trélazé (n° 308544). Cette décision du Conseil d’Etat a repris les termes utilisés dans une décision du 26 décembre 1930, Abbé Tisseirre, selon laquelle le ministre du culte « a la garde et la police de l’église en vue d’assurer aux fidèles l’exercice de leur religion ».

Le maire ne peut intervenir que pour le respect de la sécurité publique, c’est-à-dire lorsqu’il y a atteinte à l’ordre public.

  • Les droits du propriétaire communal

Les droits de propriétaire des communes sur les églises sont donc limités et encadrés par la loi.

Ces droits sont garantis par l’article 12 de la loi du 9 décembre 1905, qui prévoit que les édifices cultuels, ainsi que leurs dépendances immobilières, « sont et demeurent propriétés de l’Etat, des départements, des communes et des établissements publics de coopération intercommunale ayant pris la compétence en matière d'édifices des cultes ». Il a été précisé que ces édificesrelèvent du domaine public des collectivités intéressées, contrairement aux presbytères qui sont des éléments du patrimoine privé de celles-ci (10 juin 1921, Commune de Montségur).  

  • Les limites aux droits du propriétaire

La commune ne dispose pas du droit de réglementer l’accès à l’édifice. Par une décision de Section du 4 novembre 1994, Abbé Chalumey, où était contestée la décision d’un maire d’instituer un droit de visite d’objets mobiliers exposés dans l’église, le Conseil d’Etat a ainsi jugé que, même lorsque les objets en cause sont classés, de telles visites ne peuvent être organisées qu’avec l’accord du curé affectataire. Cette ligne a été confirmée par une décision en référé du 25 août 2005, Commune de Massat), où le Conseil d’Etat a affirmé que le maire d’une commune « commet une illégalité manifeste en autorisant une manifestation dans un édifice affecté à l’exercice d’un culte sans l’accord du ministre du culte chargé d’en régler l’usage ».  Par manifestation, il faut entendre notamment les manifestations culturelles (concerts, expositions, etc..).

Cet accord du desservant doit être formel et ponctuel (la signature d’une convention est recommandée) et prévoir les conditions et modalités de cet accès ou de cette manifestation ainsi que les modalités financières (qui peuvent être gratuites).

  • Les pouvoirs de police du maire et de l’Etat

Les pouvoirs de police du maire l’autorisent à intervenir dans des lieux ouverts au public. Depuis la jurisprudence Benjamin (Conseil d’Etat, Benjamin, 19 mai 1933), la fermeture temporaire d’un lieu de réunion est possible « si l’interdiction est seule de nature à à prévenir ces troubles ».

Cette règle générale est renforcée dans deux cas de figure : la lutte contre le terrorisme et l’état d’urgence sanitaire.

Dans le cas de la lutte antiterroriste, la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure autorise le préfet à délimiter des périmètres de protection (article 1er) qui permettent de contrôler les identités, filtrer les entrées, voire fermer temporairement un lieu de culte (si les propos qui y sont tenus incitent ou font l’apologie des actes de terrorisme, article 3). Dans ce cas la police municipale peut être sollicitée.

Dans le cas de l’urgence sanitaire, le maire peut intervenir, y compris lorsque l’Etat est maître du jeu: les tribunaux administratifs (TA Caen, 31 mars 2020, Préfet du Calvados, TA Cergy-Pontoise, 9 avril 2020 Ligue des droits de l’homme) et le Conseil d’Etat ont rappelé que le maire dispose « dans les conditions et selon les modalités fixées en particulier par le code général des collectivités territoriales, du pouvoir d’adopter, dans le ressort […] de la commune, des mesures plus protectrices de la santé publique que celles adoptées sur le territoire national » mais cette autorisation doit être fondée sur des « circonstances locales de nature à justifier son intervention » (Conseil d’Etat, ordonnance référé du 17 avril 2020, commune de Sceaux). Encore faut-il, s’il s’agit d’une église, qu’il en ait informé préalablement le curé desservant et obtenu son accord.

L’état d’urgence sanitaire a permis au Conseil d’Etat d’intervenir pour limiter les pouvoirs de police de l’Etat sur les lieux de culte. Les décrets du 23 mars puis du 11 mai 2020 avaient interdit tout rassemblement dans les lieux de culte à l’exception de rassemblements de 20 personnes maximum pour les cérémonies funéraires : le Conseil d’Etat, dans une ordonnance du 18 mai 2020 a considéré que ces « mesures disproportionnées portaient une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du culte » et a enjoint au gouvernement de les revoir rapidement, ce qui a été fait par le décret du 22 mai qui a rouvert les lieux de culte, dans le respect des nouvelles règles sanitaires édictées. La jurisprudence administrative a continué donc de veiller au contrôle du pouvoir de police et on peut estimer qu’elle aurait eu plus encore d’impact si le juge administratif avait été saisi plus tôt.

Ce régime juridique vaut, d’une part, pour tout l’intérieur de l’édifice ainsi que pour les dépendances immobilières de l’édifice cultuel principal, quand bien même elles sont dissociables de ce dernier, dès lors qu’elles sont nécessaires à l’exercice du culte. Le Conseil d’Etat a ainsi jugé qu’un calvaire situé sur la place communale et qui constitue le point d’arrivée des processions rituelles de la Fête Dieu y est soumis (1er  avril 1938, Abbé Laplanche-Couderc, Rec., p. 339). Il en va de même d’une sacristie accolée à l’église (18 mars 1988, Maron, n° 44141). Par contre le parvis de l’église n’en relève pas.

2/ L’entretien des édifices du culte

Les travaux d’entretien et de conservation des édifices du culte sont des travaux publics soumis au code des marchés publics. Ils comprennent, outre les travaux de grosse réparation, les travaux de ravalement, de peinture, d’installation électrique et de chauffage dès lors qu’ils sont justifiés par la conservation de l’édifice. Participent aux travaux de grosse réparation incombant à la commune propriétaire l’entretien des orgues et des cloches considérés comme des immeubles par destination (art. 525 Code Civil).

3/ La sécurité matérielle des édifices du culte

En ce qui concerne la responsabilité qu’encourent les collectivités publiques en tant que propriétaires, elles doivent souscrire un contrat d’assurance pour les dommages concernant les bâtiments et les biens immobiliers qu’ils contiennent et une police de responsabilité civile pour les dommages éventuels pouvant atteindre des tiers et leurs biens. Quant à l’affectataire (le curé desservant), il devra également souscrire une police de responsabilité civile pour tous les risques (incendie, dégâts des eaux) qui pourraient affecter les bien dont il est affectataire.

Les intrusions ou occupations non autorisées dans des édifices du culte classés ou inscrits au titre des monuments historiques relèvent des contraventions de la 5ème classe. Pour les édifices non classés ces agissements relèvent des contraventions d’intrusion.

Par ailleurs, la commune peut, pour le gardiennage de l’église communale, confier au curé desservant cette mission et lui verser une indemnité de gardiennage dont le taux est fixé et actualisé chaque année par le ministre de l’intérieur.

En cas de menace imminente pour la sécurité du public, le maire peut, après en avoir averti le curé desservant, procéder à la fermeture totale ou partielle de l’édifice (Conseil d’Etat, 8 février 1908). Il doit prendre cependant prendre les mesures qui lui incombent pour la réparation de l’édifice et pour assurer le libre exercice du culte.

4/ Les relations entre le curé/affectataire et la commune

  • Au moment de la prise de possession de la paroisse

Le curé affectataire doit se  présenter au maire de la commune. C’est lui qui remettra les clés de l’église au moment de l’installation.

  • L’aménagement liturgique 

Les travaux d’aménagement liturgique ne relèvent pas des travaux d’entretien et de conservation tels que précisés par le juge. Leur financement doit donc être pris en charge par l’affectataire.

En principe le curé affectataire décide des aménagements liturgiques. Toutefois, l’affectataire ne peut procéder à des aménagements qui toucheraient aux biens immeubles (autel scellé, chaire fixée au mur…) sans l’autorisation expresse de la collectivité publique propriétaire.

Un aménagement qui ne concernerait que les biens meubles (chaises, bancs, pupitres…) ne nécessite pas une autorisation du propriétaire. Il nécessite cependant le respect des règles de sécurité en vigueur dans les établissements recevant du public.

Pour les édifices classés au titre des monuments historiques, tous travaux de modification, de réparation et de restauration nécessitent l’autorisation préalable de l’autorité administrative compétente (architecte des bâtiments de France ou la DRAC).

5/ La désaffectation des édifices du culte construits avant 1905

L’affectation au culte d’un édifice qui appartenait à une personne publique au moment de l’entrée en vigueur de la loi de 1905 est perpétuelle sauf si les conditions fixées par l’article 13 de la loi sont remplies.

L’article 13 prévoit que la désaffectation doit être prononcée par une loi. Elle peut être prononcée par décret en Conseil d’Etat mais que dans l’un des cinq cas suivants :

  • L’association bénéficiaire est dissoute
  • Le culte cesse d’être célébré pendant plus de six mois consécutifs hors cas de force majeure
  • la conservation de l’édifice ou des objets mobiliers classés est compromise par l’insuffisance d’entretien et après mise en demeure dûment notifiée du conseil municipal ou à défaut du préfet
  • L’association cesse de remplir son objet ou les édifices sont détournés de leur destination
  • L’association ne respecte pas les obligations de réparation et d’assurance ainsi qu’aux prescriptions relatives aux monuments historiques

En ce qui concerne les édifices cultuels propriétés des communes, le décret n°70-220 du 17 mars 1970 a déconcentré la décision de déclassement sur le préfet : l’arrêté préfectoral, dans les cas visés à l’article 13 de la loi, peut prononcer le déclassement à la demande du conseil municipal sous réserve du consentement écrit de la personne physique ou morale ayant qualité pour représenter le culte affectataire (le curé desservant avec l’accord de l’évêque du diocèse).

Ces désaffectations étaient rares jusqu’à présent mais la désertification rurale a changé la donne. Elles  ne concernent que des édifices menaçant ruine ou n’étant plus depuis longtemps utilisés pour l’exercice du culte.

6/ Le régime juridique  des édifices construits après 1905

  • Une   aide publique possible à l’entretien et à la construction

Si la loi de 1905 (art. 13 avant-dernier alinéa) déclare qu’il incombe aux associations propriétaires d’édifices du culte construits après 1905 d’assurer l’entretien et la réparation de ces édifices, l’article 19 dernier alinéa de la loi (ajouté par la loi du 25 décembre 1942) permet aux collectivités publiques (Etat, département, communes) de subventionner des réparations d’édifices affectés au culte public. Les subventions sont versées aux associations cultuelles ou diocésaines qui assurent la maîtrise d’ouvrage de ces travaux, qui doivent correspondre aux dépenses nécessaires pour la conservation de l’édifice (travaux de sécurité, de maintien hors eau).

Si cette disposition n’a qu’une importance pratique limitée, d’autres formes d’aides jouent un rôle essentiel grâce à la souplesse du législateur et à la mansuétude du juge administratif.

C’est ainsi que les collectivités territoriales peuvent depuis les années 1930 garantir des emprunts contractés par des associations cultuelles pour construire des lieux de culte mais aussi permettre leur construction dans le cadre de baux emphytéotiques sur des terrains appartenant au domaine public (ordonnance du 21 avril 2006). Le juge administratif accepte que la redevance soit limitée dès lors que le bail est conclu avec une véritable association cultuelle (CE 10 février 2017, Ville de Paris).

  • Le pouvoir de police du maire et de l’Etat

N’étant pas propriétaire, la commune ne peut intervenir qu’au titre des pouvoirs de police du maire.  Ces pouvoirs sont interprétés strictement par le juge qui vérifie qu’elles sont justifiées par « les circonstances locales particulières ». C’est notamment le cas pour la lutte anti-terroriste et durant les périodes d’urgence sanitaire :

Dans l’ordonnance de référé du 9 avril 2020 précitée, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a précisé que, « s’agissant en particulier du maire, ni les pouvoirs de police que l’État peut exercer en tous lieux dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, pour restreindre les déplacements des personnes, ni l’habilitation données au préfet dans le département d’adopter des mesures plus restrictives en la matière, ne font obstacle à ce que, pour prévenir des troubles à l’ordre public sur le territoire communal, le maire fasse usage, en fonction de circonstances locales particulières, des pouvoirs de police générale qu’il tient des articles L. 2212-1 et suivants du code général des collectivités territoriales pour aménager les conditions de circulation des personnes dans le cadre des exceptions au principe d’interdiction prévues par les dispositions précitées ».

 Hugues PORTELLI

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