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L’incompatibilité entre les dispositions de l’ordonnance du 1er juillet 2004 et les règles régissant le domaine public.

Le Conseil d’Etat rappelle dans un arrêt du 10 mars 2020 l’incompatibilité entre les dispositions applicables au domaine public et le recouvrement de créance par hypothèque légale des propriétaires d’une association syndicale de propriétaires à l’encontre d’une personne publique, propriétaire de parcelles appartenant au domaine public situées dans le périmètre de l’association syndicale de propriétaires.

Conseil d’Etat, 10 mars 2020, req. n°432555, publié au recueil Lebon.

Par une ordonnance du 24 septembre 2018, le Tribunal de grande instance de Nanterre a sursis à statuer et saisi la juridiction administrative sur l’action formée par une association syndicale de propriétaires, vieille de 162 ans, à l’encontre d’une commune, afin que le Tribunal administratif se prononce sur l’appartenance au domaine public communal de parcelles, et dans l’affirmative, à leur compatibilité avec les dispositions de l’ordonnance du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires.

Le Tribunal administratif a considéré que les parcelles appartenaient au domaine public et que leur affectation à des équipements publics culturels ou éducatifs était incompatible avec les règles de l’association syndicale.
L’association syndicale a, par un pourvoi, demandé d’annuler le jugement du Tribunal administratif.

Le Conseil d’Etat rappelle qu’une personne publique (avant l’ordonnance de 2004 précitée) pouvait être membre d’une association syndicale de propriétaires même si elle l’était en tant que propriétaire de biens appartenant au domaine public.
Cependant l’ordonnance du 1er juillet 2004 dispose dans son article 6 que les créances des membres de l’association syndicale de propriétaires sont garanties par une hypothèque légale sur les immeubles des membres de l’association compris dans le périmètre.

Or le principe d’hypothèque légale n’est pas applicable à une personne publique, propriétaire d’un immeuble sur le domaine public, car celui-ci est inaliénable.
Le Conseil d’Etat va encore plus loin car il considère qu’un immeuble inclus dans le périmètre de l’association syndicale, qui avant l’ordonnance de 2004 n’appartenait pas au domaine public, ne pourra pas appartenir à celui-ci alors même qu’il serait affecté à l’usage direct du public ou à un service public et aurait fait l’objet d’aménagements propres à lui conférer cette qualification.

En résumé, le Conseil d’Etat estime que l’application des critères d’appartenance au domaine public ne peut, après l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 1er juillet 2004, permettre qu’une parcelle qui ne faisait pas partie du domaine public jusqu’alors y soit intégrée.

A contrario, le Conseil d’Etat considère que la mise en vigueur de l’ordonnance du 1er juillet 2004 sur l’association syndicale des propriétaires ne permet pas automatiquement de déclasser un bien appartenant au domaine public. Il faut que ce bien soit déclassé par la personne publique pour qu’il n’appartienne plus au domaine public.

Ainsi le Conseil d’Etat en conclut à l’incompatibilité des dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 1er juillet 2004 avec le régime de la domanialité publique en ce que les propriétaires ne pourront mettre en œuvre le recouvrement des créances sur la personne publique par l’hypothèque légale.

En l’espèce le Conseil d’Etat estime que le bien appartient au domaine public car celui-ci répondait avant l’ordonnance du 1er juillet 2004 aux critères de la domanialité publique. En l’occurrence, les parcelles citées appartiennent au domaine public communal. Il rappelle que le bien a été cédé sans déclassement et qu’aucune disposition des statuts et du règlement de l’association syndicale des propriétaires (de 1858) ne fait obstacle à la domanialité publique du bien. Cependant malgré la présence d’obstacle, on peut penser que les statuts ou le règlement de l’association syndicale des propriétaires ne pourront remettre en cause le principe d’inaliénabilité du domaine public. Le Conseil d’Etat rappelle que l’immeuble construit permettait d’affecter la parcelle au service public culturel et par voie de conséquence au domaine public communal. L’entrée en vigueur du code générale de la propriété des personnes publiques n’a pas eu pour effet de déclasser les parcelles.

Le Conseil d’Etat fait ainsi respecter les règles du domaine public et l’inaliénabilité du domaine public. Il protège la propriété de la personne publique, en la distinguant de celle des personnes privées, tout en étant conduit, après l’entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques, à régler les problèmes juridiques que pose son application.

Cette décision permet aux juridictions administratives de réaffirmer que le domaine public ne souffre d’aucune exception à son inaliénabilité contrairement à la propriété privée. En effet, il faut que le bien fasse l’objet d’un déclassement par la collectivité territoriale. Il n’est pas possible d’aliéner des biens publics de la personne publique.
On ne chasse par sur les terres du Roi !

Conseil d’Etat, 10 mars 2020, req. n°432555, publié au recueil Lebon

Thomas Portelli

 

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